Depuis un demi-siècle, Afdi – Agriculteurs français et développement international – matérialise une forme singulière de coopération agricole : humaine, directe, fondée sur l’échange entre pairs. À l’occasion de son cinquantenaire, Paroles paysannes met en lumière les personnes qui participent à cette histoire et en renouvellent les horizons.

Après les voix fondatrices et les figures du mouvement paysan africain, ce troisième numéro met en lumière l’implication des femmes et des jeunes dans les dynamiques agricoles d’aujourd’hui.

Agricultrice installée dans le Sud-Ouest de la France, première vice-présidente d’Afdi, Manon Pisani partage ici son cheminement, ses expériences de dialogue entre agriculteurs, et sa conviction que l’agriculture familiale détient les clés pour affronter les défis d’aujourd’hui.

Ancrée dans la terre, tournée vers les autres

Manon Pisani se définit d’abord par son métier. Éleveuse de porcs en système naisseur-engraisseur, elle exerce une agriculture exigeante, enracinée dans son territoire. Mais son engagement ne s’arrête pas à son exploitation : elle participe activement aux instances agricoles, convaincue que la transformation du secteur passe par la concertation et la responsabilité collective.

C’est dans ce cadre qu’elle fait la rencontre d’Afdi, par le biais de Jeunes Agriculteurs. Des missions au Bénin, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire lui offrent l’opportunité de rencontrer d’autres jeunes, d’échanger sur leurs réalités, et de tisser des liens durables.

« Ces rencontres m’ont profondément marquée. Elles m’ont donné envie de m’impliquer dans une association fondée sur le respect mutuel, l’écoute et le partage d’expériences. »

Un engagement à l’écoute des voix trop souvent ignorées

Membre du Conseil d’Administration et du Bureau d’Afdi, elle contribue aux orientations de l’association en veillant à ce que les expériences des femmes et des jeunes soient pleinement intégrées aux réflexions et aux actions menées avec les organisations partenaires.

« Mon engagement repose sur l’idée que les agriculteurs et agricultrices, dans leur diversité, sont les mieux placés pour construire ensemble des solutions adaptées. Cela exige du dialogue, de l’humilité, et une volonté commune d’agir. »

Ce croisement des expériences nourrit la capacité d’Afdi à répondre aux transformations en cours, qu’elles soient climatiques, économiques ou sociales.

Changer de perspective grâce aux échanges

Les agriculteurs, où qu’ils soient, font face à des défis comparables : accès aux ressources, évolution des marchés, valorisation du métier, adaptation à l’environnement. Pour celles et ceux qui débutent ou qui ont moins de visibilité, ces difficultés sont souvent accrues.

« Il ne suffit pas d’avoir la volonté de s’installer. Il faut que les conditions soient réunies pour le permettre. C’est là que les politiques publiques ont un rôle essentiel. »

Les dialogues menés dans le cadre d’Afdi permettent de mieux comprendre d’autres contextes, mais aussi de réfléchir différemment à sa propre pratique. Ces rencontres ne visent pas à comparer, mais à grandir ensemble.

« Quand des jeunes du Bénin, du Mali ou de Madagascar partagent leurs réalités avec des jeunes Français·es, cela remet en question nos propres trajectoires. On apprend autant qu’on transmet, et cela change notre regard sur nos métiers et nos responsabilités. »

Une agriculture familiale à défendre et à faire évoluer

Pour Manon, l’agriculture familiale reste une base solide. Elle repose sur la transmission, l’autonomie, l’ancrage dans les territoires et le respect des ressources. Ce modèle, loin d’être dépassé, est une réponse concrète aux crises actuelles.

« L’agriculture familiale est un pilier de la souveraineté alimentaire. Elle ne doit pas être perçue comme un modèle du passé, mais comme une réponse d’avenir aux défis de demain. »

Pour qu’elle puisse jouer ce rôle, elle doit être mieux soutenue, reconnue et intégrée dans les politiques de développement.