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Paysans sans frontières

Afdi Bourgogne Franche-Comté est une association composée de professionnels agricoles de toute la région oeuvrant :

  • dans plusieurs pays d'Afrique, pour soutenir les mouvements collectifs de paysans vers leur autonomie
  • en région BFC, pour la sensibilisation des professionnels et futurs professionnels agricoles sur les enjeux de développement agricole international

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Les actualités d'Afdi BFC

Paroles Paysannes 50 ans - Robertine Dembeté Digolar Kila

Articles - Image d'intro

Afdi fête ses 50 ans : un demi-siècle de dialogue et d’engagement partagé

Depuis cinquante ans, Afdi valorise les échanges d’expérience entre agriculteurs, en plaçant la parole paysanne au cœur de son engagement. Dans cette édition double, deux voix du Tchad se répondent. Celle de Robertine Dembeté Digolar Kila, formatrice et vice-présidente du Collège des femmes du Conseil National des Producteurs Ruraux du Tchad (CNCPRT) à Ndjamena, engagée depuis plus de vingt ans pour la reconnaissance des droits des femmes rurales. Et celle de Mantar Djimta, animatrice du collège de femmes du CNCPRT dans la région du Mandoul au sud du Tchad.

Toutes les deux sont animées par une même conviction : les femmes ont une place dans le développement agricole. Elles doivent être écoutées, formées, reconnues comme actrices à part entière. Dans leurs paroles se lit à la fois l’attachement à une agriculture locale, vivante, et la volonté de faire émerger des réponses nouvelles aux défis communs – changement climatique, accès aux ressources, transmission, justice sociale.

À travers leurs récits croisés, ce numéro de Paroles paysannes rend hommage à ces forces déterminées qui, dans les villages, les champs, les associations, construisent des ponts entre générations et territoires. En écho aux témoignages recueillis dans le Nord, ces deux voix du Sud rappellent que les agricultures familiales sont porteuses d’avenir lorsqu’elles s’appuient sur la diversité des parcours, la solidarité entre pairs et la capacité d’agir des femmes et des jeunes.

 

Une voix qui rassemble

Robertine se présente d’abord comme une femme de terrain, à la fois productrice, formatrice et animatrice au sein de plusieurs groupements féminins. Au-delà de ses responsabilités, elle se distingue par une volonté inébranlable : faire entendre la voix des femmes rurales et leur donner les moyens d’agir.

Son parcours commence dans sa province, où, jeune femme mariée et mère de famille, elle se consacre pleinement à l’agriculture. Très tôt, elle observe les limites imposées aux femmes dans les structures rurales. Bien qu’elles soient nombreuses à participer aux activités agricoles, leur parole n’était ni sollicitée ni valorisée dans les espaces de décision.

« À l’époque, dans les réunions, les femmes n’avaient pas leur place à la table. Alors, j’ai posé la question : va-t-on continuer ainsi ? Nous, les femmes, on pense, on réfléchit, pourquoi ne pas créer notre propre union ? »

De cette interrogation naît un comité de concertation exclusivement féminin, dont le nom peut se traduire par : Nous réfléchissons, nous, les femmes. C’est à partir de cette initiative locale que Robertine commence à structurer son engagement. Sa voix se fait entendre bien au-delà de sa communauté. Elle est invitée à des rencontres nationales et internationales, jusqu’à être récompensée au Sommet mondial des femmes à Genève en 2001, recevant le prix de la créativité des femmes rurales.

Reconnue pour son engagement, sa mission repose sur l’idée de créer des ponts entre les réalités vécues dans les campagnes et les lieux où se prennent les décisions. Elle organise régulièrement des sessions de formation, de sensibilisation et de mobilisation sur des enjeux essentiels : l’accès à la terre, les droits fonciers, les techniques agricoles durables, l’enrichissement des semences. Son message est clair : la dignité et l’autonomie des femmes rurales passent par l’accès à la connaissance, aux ressources, et à la reconnaissance.

« Les femmes doivent pouvoir être propriétaires de leur terre. Aujourd’hui, si une femme loue une parcelle, elle risque d’en être expulsée. En cas de séparation ou de décès du mari, elle peut se retrouver sans rien. C’est inacceptable. »

Face à ces réalités, Robertine s’engage pour transformer les mentalités, accompagner les familles, et faire en sorte que les femmes soient non seulement formées, mais écoutées et considérées comme actrices à part entière du développement agricole

 

Un espace d’apprentissage réciproque

C’est dans ce contexte qu’elle découvre Afdi. Invitée à s’exprimer lors d’une rencontre sur la relève agricole, elle entame un dialogue avec les représentants de l’association. Ce lien s’approfondit à travers plusieurs projets menés avec le CNCPRT, puis avec le Collège des femmes. En 2023, elle participe à une mission en France où elle visite des exploitations, rencontre des producteurs et échange avec des organisations agricoles françaises. Cette expérience la marque profondément.

« On a vu des jeunes engagés, des femmes qui ont leur mot à dire. Cela nous a montré que c’est possible. On a pris confiance. Ce partenariat nous aide à mieux structurer nos actions, à apprendre les uns des autres. »

Les échanges avec Afdi ne sont pas perçus comme un appui extérieur, mais comme un espace d’apprentissage réciproque. Elle insiste sur la continuité et la qualité de la relation, qui repose sur l’écoute, la confiance et la volonté partagée d’agir à partir du terrain.

 

Faire de l’autonomie foncière une réalité pour toutes

La question foncière est au cœur de son engagement. Elle en fait un enjeu prioritaire. Dans de nombreuses régions du Tchad, l’accès à la terre reste limité, surtout pour les femmes. La majorité d’entre elles cultivent sur des terrains prêtés ou loués, dans une insécurité permanente. En cas de séparation, de veuvage ou de conflit, elles peuvent tout perdre.

« L’autonomie, c’est quand une femme dit : cette terre est à moi. Je cultive, je vends, je décide. »

Mais cet accès au foncier ne suffit pas. Encore faut-il disposer de semences adaptées, d’outils, de formation et d’appuis pour la commercialisation. Robertine plaide pour une politique agricole plus inclusive, qui intègre les besoins spécifiques des femmes et leur donne les moyens de réussir.

 

Créer les conditions d’un engagement durable des jeunes

Robertine accorde également une grande importance à la place des jeunes. Pour elle, ils sont indispensables à la vitalité de l’agriculture. Mais elle constate aussi leur découragement face aux difficultés : manque de terres, faibles revenus, valorisation sociale insuffisante. C’est pourquoi elle organise des sessions de sensibilisation à destination des jeunes, en s’appuyant sur les exemples positifs rencontrés ailleurs.

« Quand on montre aux jeunes qu’il est possible de vivre dignement de l’agriculture, qu’on leur donne accès à des formations de qualité, ils s’investissent. Mais il faut leur en donner les moyens. »

Grâce au partenariat avec Afdi, un recensement des jeunes producteurs a été réalisé. Cela permet aujourd’hui de mieux les accompagner, en ciblant les formations et les projets. Pour Robertine, c’est aussi un moyen de rendre visible une jeunesse engagée, compétente et innovante.

 

Une dynamique collective au service des territoires

À celles et ceux qui souhaitent s’engager dans l’agriculture, Robertine adresse un message simple, mais fort : oser. Oser croire en ses capacités. Oser prendre la parole. Oser faire le choix de l’agriculture comme projet de vie.

« L’agriculture, ce n’est pas un recours par défaut. C’est une activité noble. Il faut du courage, de la ténacité, de l’intelligence. Il faut chercher les bonnes filières, les semences adaptées, et s’organiser collectivement. »

Elle insiste aussi sur la nécessité de se regrouper, de créer des associations, des unions, des coopératives. Car seules, les femmes sont trop souvent invisibles. Ensemble, elles deviennent audibles.

 

Un avenir construit collectivement

Robertine incarne une forme de leadership paysan au féminin, enraciné, pragmatique et porteur d’espoir. À travers son engagement, elle montre que les femmes rurales ne sont pas seulement les héritières d’un savoir, mais aussi les actrices d’un avenir en construction.

Alors qu’Afdi célèbre cinquante ans d’action au service des agricultures familiales, sa parole résonne comme un appel à poursuivre les échanges, à renforcer les solidarités, et à faire émerger une agriculture juste, durable et inclusive.

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Afdi fête ses 50 ans : un demi-siècle de dialogue et d’engagement partagé

Depuis cinquante ans, Afdi valorise les échanges d’expérience entre agriculteurs, en plaçant la parole paysanne au cœur de son engagement. Dans cette édition double, deux voix du Tchad se répondent. Celle de Robertine Dembeté Digolar Kila, formatrice et vice-présidente du Collège des femmes du Conseil National des Producteurs Ruraux du Tchad (CNCPRT) à Ndjamena, engagée depuis plus de vingt ans pour la reconnaissance des droits des femmes rurales. Et celle de Mantar Djimta, animatrice du collège de femmes du CNCPRT dans la région du Mandoul au sud du Tchad.

Toutes les deux sont animées par une même conviction : les femmes ont une place dans le développement agricole. Elles doivent être écoutées, formées, reconnues comme actrices à part entière. Dans leurs paroles se lit à la fois l’attachement à une agriculture locale, vivante, et la volonté de faire émerger des réponses nouvelles aux défis communs – changement climatique, accès aux ressources, transmission, justice sociale.

À travers leurs récits croisés, ce numéro de Paroles paysannes rend hommage à ces forces déterminées qui, dans les villages, les champs, les associations, construisent des ponts entre générations et territoires. En écho aux témoignages recueillis dans le Nord, ces deux voix du Sud rappellent que les agricultures familiales sont porteuses d’avenir lorsqu’elles s’appuient sur la diversité des parcours, la solidarité entre pairs et la capacité d’agir des femmes et des jeunes.

 

Une voix qui rassemble

Robertine se présente d’abord comme une femme de terrain, à la fois productrice, formatrice et animatrice au sein de plusieurs groupements féminins. Au-delà de ses responsabilités, elle se distingue par une volonté inébranlable : faire entendre la voix des femmes rurales et leur donner les moyens d’agir.

Son parcours commence dans sa province, où, jeune femme mariée et mère de famille, elle se consacre pleinement à l’agriculture. Très tôt, elle observe les limites imposées aux femmes dans les structures rurales. Bien qu’elles soient nombreuses à participer aux activités agricoles, leur parole n’était ni sollicitée ni valorisée dans les espaces de décision.

« À l’époque, dans les réunions, les femmes n’avaient pas leur place à la table. Alors, j’ai posé la question : va-t-on continuer ainsi ? Nous, les femmes, on pense, on réfléchit, pourquoi ne pas créer notre propre union ? »

De cette interrogation naît un comité de concertation exclusivement féminin, dont le nom peut se traduire par : Nous réfléchissons, nous, les femmes. C’est à partir de cette initiative locale que Robertine commence à structurer son engagement. Sa voix se fait entendre bien au-delà de sa communauté. Elle est invitée à des rencontres nationales et internationales, jusqu’à être récompensée au Sommet mondial des femmes à Genève en 2001, recevant le prix de la créativité des femmes rurales.

Reconnue pour son engagement, sa mission repose sur l’idée de créer des ponts entre les réalités vécues dans les campagnes et les lieux où se prennent les décisions. Elle organise régulièrement des sessions de formation, de sensibilisation et de mobilisation sur des enjeux essentiels : l’accès à la terre, les droits fonciers, les techniques agricoles durables, l’enrichissement des semences. Son message est clair : la dignité et l’autonomie des femmes rurales passent par l’accès à la connaissance, aux ressources, et à la reconnaissance.

« Les femmes doivent pouvoir être propriétaires de leur terre. Aujourd’hui, si une femme loue une parcelle, elle risque d’en être expulsée. En cas de séparation ou de décès du mari, elle peut se retrouver sans rien. C’est inacceptable. »

Face à ces réalités, Robertine s’engage pour transformer les mentalités, accompagner les familles, et faire en sorte que les femmes soient non seulement formées, mais écoutées et considérées comme actrices à part entière du développement agricole

 

Un espace d’apprentissage réciproque

C’est dans ce contexte qu’elle découvre Afdi. Invitée à s’exprimer lors d’une rencontre sur la relève agricole, elle entame un dialogue avec les représentants de l’association. Ce lien s’approfondit à travers plusieurs projets menés avec le CNCPRT, puis avec le Collège des femmes. En 2023, elle participe à une mission en France où elle visite des exploitations, rencontre des producteurs et échange avec des organisations agricoles françaises. Cette expérience la marque profondément.

« On a vu des jeunes engagés, des femmes qui ont leur mot à dire. Cela nous a montré que c’est possible. On a pris confiance. Ce partenariat nous aide à mieux structurer nos actions, à apprendre les uns des autres. »

Les échanges avec Afdi ne sont pas perçus comme un appui extérieur, mais comme un espace d’apprentissage réciproque. Elle insiste sur la continuité et la qualité de la relation, qui repose sur l’écoute, la confiance et la volonté partagée d’agir à partir du terrain.

 

Faire de l’autonomie foncière une réalité pour toutes

La question foncière est au cœur de son engagement. Elle en fait un enjeu prioritaire. Dans de nombreuses régions du Tchad, l’accès à la terre reste limité, surtout pour les femmes. La majorité d’entre elles cultivent sur des terrains prêtés ou loués, dans une insécurité permanente. En cas de séparation, de veuvage ou de conflit, elles peuvent tout perdre.

« L’autonomie, c’est quand une femme dit : cette terre est à moi. Je cultive, je vends, je décide. »

Mais cet accès au foncier ne suffit pas. Encore faut-il disposer de semences adaptées, d’outils, de formation et d’appuis pour la commercialisation. Robertine plaide pour une politique agricole plus inclusive, qui intègre les besoins spécifiques des femmes et leur donne les moyens de réussir.

 

Créer les conditions d’un engagement durable des jeunes

Robertine accorde également une grande importance à la place des jeunes. Pour elle, ils sont indispensables à la vitalité de l’agriculture. Mais elle constate aussi leur découragement face aux difficultés : manque de terres, faibles revenus, valorisation sociale insuffisante. C’est pourquoi elle organise des sessions de sensibilisation à destination des jeunes, en s’appuyant sur les exemples positifs rencontrés ailleurs.

« Quand on montre aux jeunes qu’il est possible de vivre dignement de l’agriculture, qu’on leur donne accès à des formations de qualité, ils s’investissent. Mais il faut leur en donner les moyens. »

Grâce au partenariat avec Afdi, un recensement des jeunes producteurs a été réalisé. Cela permet aujourd’hui de mieux les accompagner, en ciblant les formations et les projets. Pour Robertine, c’est aussi un moyen de rendre visible une jeunesse engagée, compétente et innovante.

 

Une dynamique collective au service des territoires

À celles et ceux qui souhaitent s’engager dans l’agriculture, Robertine adresse un message simple, mais fort : oser. Oser croire en ses capacités. Oser prendre la parole. Oser faire le choix de l’agriculture comme projet de vie.

« L’agriculture, ce n’est pas un recours par défaut. C’est une activité noble. Il faut du courage, de la ténacité, de l’intelligence. Il faut chercher les bonnes filières, les semences adaptées, et s’organiser collectivement. »

Elle insiste aussi sur la nécessité de se regrouper, de créer des associations, des unions, des coopératives. Car seules, les femmes sont trop souvent invisibles. Ensemble, elles deviennent audibles.

 

Un avenir construit collectivement

Robertine incarne une forme de leadership paysan au féminin, enraciné, pragmatique et porteur d’espoir. À travers son engagement, elle montre que les femmes rurales ne sont pas seulement les héritières d’un savoir, mais aussi les actrices d’un avenir en construction.

Alors qu’Afdi célèbre cinquante ans d’action au service des agricultures familiales, sa parole résonne comme un appel à poursuivre les échanges, à renforcer les solidarités, et à faire émerger une agriculture juste, durable et inclusive.

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