
Afdi BFC est membre d'un réseau Afdi dont la tête de réseau est basée à Paris. Le réseau Afdi c'est :
C'est également une présence dans différents pays à travers le monde :
Gérardine Sonkoué : l’accès à des financements adaptés et pérennes, reste une contrainte majeure du développement des agricultures familiales
Gérardine Sonkoué est directrice de la Conaprocam (Confédération nationale des producteurs de cacao du Cameroun), organisation paysanne qui accompagne ses coopératives membres à la production et la commercialisation des fèves de cacao. Elle représente les petits producteurs de cacao, organisés au sein de 14 coopératives, qui regroupent environ 1 500 producteurs. La Conaprocam défend les intérêts de ses coopératives membres, et les accompagne dans différents aspects de leurs activités (conseils techniques, formation des membres, …) et aujourd’hui dans le développement de l’exportation de leur cacao nécessitant la mobilisation d’un crédit pour initier les opérations.
La Conaprocam est partenaire d'Afdi BFC => En savoir plus
Les agriculteurs, constitués en organisations paysannes, s’organisent pour améliorer l’intégration des agriculteurs familiaux dans le marché en proposant des services variés (organisation de la commercialisation des productions, approvisionnement en intrants, accès à l’information, services financiers…).
Afin d’assurer ce développement, l’agriculture doit mobiliser des financements (crédit de campagne, warrantage, stockage, fonctionnement, investissements (équipement, locaux, etc.)).
Malgré la forte évolution de l’offre de services financiers ruraux permis par la microfinance, l’accès à des financements adaptés et pérennes reste une contrainte majeure du développement des agricultures familiales (10% des crédits attribués aux secteurs de l’économie vont vers l’agriculture, et seuls 2% de ces crédits sont consacrés à l’agriculture familiale). De plus, les offres sont essentiellement orientées vers le crédit de campagne (court terme), et négligent encore trop souvent les crédits d’équipements à moyen et long terme.
« Le besoin de financement extérieur existe depuis longtemps. Les producteurs ne parviennent pas à vendre le cacao au niveau local à un prix rentable. Et pour accéder au marché de l’export, il faut disposer de fonds suffisants et bénéficier d’un crédit pour financer toute l’opération. Ces crédits sont très peu accessibles localement pour les organisations paysannes. »
Globalement, de nombreux freins pèsent sur le développement des services financiers pour le secteur agricole. Du côté de l’offre on peut pointer la méconnaissance du secteur agricole par les acteurs financiers (manque de données technico-économiques, diversité des activités, produits financiers peu adaptés, risques mal appréciés). Les offres sont souvent peu adaptées aux besoins et capacités des acteurs (montants, taux, différés, systèmes de garanties, …) et il est difficile d’évaluer la crédibilité des OP (gouvernance, fiabilité financière, …).
« Les possibilités de financement existent localement, mais les contreparties et les garanties qui sont demandées sont trop contraignantes et trop élevées pour les organisations paysannes. Les taux d’intérêts locaux sont trop élevés et les établissements financiers demandent des garanties qui sont inatteignables pour nous. »
Du côté de la demande (agriculteurs et leurs organisations), il existe une certaine méfiance à l’égard des acteurs financiers, dû au manque de culture financière et de formation des bénéficiaires (méconnaissance des acteurs financiers, de leurs offres, des mécanismes de crédits etc.).
« La Conaprocam met aujourd’hui en place des formations pour ses coopératives membres. Avec l’appui d’Afdi, et notamment par les échanges paysans, cela permet un accompagnement sur le volet financier, qui n’est pas toujours bien maîtrisé par les organisations paysannes.»
En effet, la Conaprocam a pu bénéficier de l’appui et de l’expertise de Michel Alemps, bénévole d’Afdi Bourgogne-Franche-Comté et ancien salarié du Crédit Agricole.
Pour les membres de la Conaprocam, la problématique principale est de pouvoir augmenter leurs revenus. « Ils pratiquent en effet une agriculture essentiellement vivrière, ils consomment l’essentiel de leur production et le surplus est revendu ». L’enjeu est d’augmenter les revenus issus de ces ventes.
Afin de répondre au besoin de ses membres, la Conaprocam a lancé une réflexion sur la mise en place d’une procédure de commercialisation à l’export, avec l’appui d’un système de financement par un organisme de finance solidaire, la Sidi (Solidarité internationale pour le développement et l‘investissement).
« Le recours à la Sidi a permis d’apporter un financement. Cela permet à la Conaprocam d’avoir un crédit pour rémunérer les producteurs, au moment de la récolte et en attendant que le processus d’export se finalise. »
Schéma de mise en place du service d’exportation de cacao de la Conaprocam
Cette opération à l’export devrait permettre « une meilleure rémunération des producteurs, d’améliorer la maîtrise de la chaîne de commercialisation et on l’espère d’augmenter les ressources internes de l’ organisation paysanne et des coopératives ». Les échanges avec la Sidi pour mettre en place cette opération à l’export datent de 2018. En 2022, une coopérative test a été désignée, pour une opération qui concerne 25 tonnes de cacao.
« Si cela fonctionne, on passera à 75 tonnes. En tant normal, la coopérative fonctionne avec 300 tonnes de cacao, l’idée est de faire une opération test, que l’on généralisera plus tard si les résultats sont bons. »
Il est enfin important de souligner que ce type de procédure est « longue, elle demande beaucoup de rigueur et de travail pour les organisations paysannes qui souhaitent se lancer à l’export. Il faut être prêt à se lancer dans un processus exigent. »
Si les organisations paysannes et leurs partenaires ont développé des initiatives pour lever les freins liés à l’accès au financement et mettre en place des mécanismes plus adaptés aux activités agricoles, il reste malgré tout difficile pour les agriculteurs familiaux d’accéder à ces financements, et les besoins d’accompagnement demeurent importants.
Pour en savoir plus sur les activités de la Conaprocam, dans le cadre de son partenariat avec Afdi Bourgogne-Franche-Comté : Cameroun - Conaprocam | Afdi BFC
Sédric Konan est président de l’Union interrégionale des sociétés coopératives de Côte d’Ivoire, OP (organisation paysanne) qui compte 25 coopératives membres avec 9 034 planteurs, dont 728 femmes et 2 250 jeunes. Investie très tôt dans l’expérimentation de pratiques agroécologiques (agroforesterie), l’UIREC compte aujourd’hui 200 producteur.s.trices lancés dans la certification bio.
Depuis 2019, l’UIREC et Afdi animent un projet favorisant la transition agroécologique des plantations de monoculture de cacaoyers[1]. Pour faire face à la perte de rendement liée notamment au vieillissement des plantations, aux dégâts des ravageurs (insectes, Swollen shoot, …) et aux effets de la sécheresse, l’accent a été mis sur le renforcement des capacités des producteurs dans les bonnes pratiques d’entretien des plantations : meilleure gestion de la densité, coupe sanitaire, suppression des gourmands, utilisation de bio-intrants, etc.
Puis, l’UIREC a lancé des réflexions pour introduire d’autres essences d’arbres dans les plantations de cacaoyers et orienter les parcelles vers des pratiques agroforestières. Cette diversification présente un intérêt agronomique (ombrage pour les cacaoyers), écologique (meilleure biodiversité) mais aussi économique (fruitiers, usages médicinaux, bois d’œuvre). Les effets de ces différents pratiques sont constatés avec une amélioration des rendements (passage de 300 à 500 kg à l’hectare sur une année). En complément, des formations pour les transformations post-récoltes, sont proposées aux planteurs.
Enfin, pour obtenir une meilleure valorisation de ce travail, l’UIREC a engagé une partie de ses membres dans une démarche de certification biologique.
« Nous avons choisi de nous engager dans la certification biologique afin d’inciter les producteurs au changement de comportement pour une agriculture durable et résiliente face aux effets du changement climatique, mais aussi pour permettre aux producteurs de booster leur production aussi bien en qualité qu’en quantité. Les primes issues de cette certification aideront ces producteurs à mieux vivre et à aider leur communauté à mieux amorcer le développement. »
Selon l’IPES-Food[1] « la certification est un moyen de garantir aux producteurs des prix rémunérateurs. Cependant, pour que ces prix ne se répercutent pas sur le pouvoir d’achat des consommateurs, une meilleure différenciation des produits agroécologiques doit s’accompagner d’une réorganisation des chaînes de valeur afin de réduire certains coûts (transport, pertes post-récolte, marges des intermédiaires, défauts logistiques etc.). »
Différentes certifications et labels contribuent à donner de la visibilité aux produits agroécologiques sur les marchés et à faciliter leur commercialisation. L’agroécologie est un concept qui a beaucoup évolué et qui renvoie tout à la fois à une discipline scientifique, à un ensemble de pratiques agricoles et à un mouvement social. D’autres concepts (agricultures biologique, raisonnée, intégrée, de conservation, climato-intelligente ou encore écologiquement intensive) qualifient des agricultures aux impacts moindres sur l’environnement dans une perspective de développement durable. Ces agricultures correspondent à différents niveaux d’agroécologie.
En Afrique, la certification Biologique prend de l’ampleur. Les cultures à l’export sont particulièrement concernées mais un marché local pour le bio se développe également pour les autres cultures, notamment avec l’utilisation des Systèmes participatifs de garantie. L’export, c’est la direction privilégiée par l’UIREC, faute de marché local suffisamment porteur.
« La difficulté à atteindre les marchés bio est aussi un grand problème et la recherche de marché (client ou acheteur) est l'étape clé pour valoriser tout le travail d'avant certification.»
Malgré les bons résultats obtenus des premières campagnes, le passage à la production sous le label Bio n’est pas évident pour certains producteurs. Le processus de certification est long et coûteux. Pour pallier cela, l’UIREC a mis en place « des parcelles d'expérimentation pour passer au cacao bio. Au vu des résultats obtenus sur ces parcelles, les producteurs adhèrent plus facilement. Aujourd’hui, ce sont 200 producteurs de l’UIREC qui sont engagés dans la certification Bio. »
« Selon notre petite expérience, pour réussir une telle démarche, il faut avant tout pouvoir compter sur des producteurs soucieux d'un tel projet. Il faut s'assurer qu’ils comprennent bien le mécanisme et le processus de certification. Une bonne équipe de suivi (inspecteur qualité et inspecteur interne) est également importante. Nous avons mobilisé et formé nos paysans-relais et nos animateurs de coopératives pour cela. Je conseille de faire plusieurs inspections inopinées dans les parcelles choisies pour la certification pour ne pas avoir de mauvaise surprise par la suite.
Et puis, pour réussir, il faut disposer de moyens financiers parce que la formation ainsi que le matériel de géolocalisation et les prestations des tiers intervenants dans le processus, coûtent cher.»
[1] « Valeurs ajoutées de l’agroécologie : déverrouiller le potentiel de transition en Afrique de l’Ouest » paru en juillet 2020, l’IPES-Food
[1] Projet mis en œuvre avec le soutien financier de l’Araa de la CEDEAO et de l’AFD.
Source : Paroles Paysannes #7
1 rue des Coulots
21 110 Bretenière
03 80 48 43 27