
VFTM, OP multi-filière de Haute-Matsiatra à Madagascar, a vocation à appuyer ses diverses OP membres et est depuis longtemps sollicitée par FFMV, une organisation de producteurs de raisins, afin d’améliorer les débouchés. La vigne est une culture historique des Hautes-Terres suite aux apports de missionnaires religieux et a connu un engouement certain dans les années 70. La filière est en stagnation bien que de nombreux vignobles paysans et caves privées subsistent. Les producteurs affiliés à VFTM, fort enclavés, déplorent en revanche des relations contractuelles peu avantageuses et cherchent à mieux maitriser les débouchés de leur raisin. Suite à une mise en relation par la Viti de Beaune d’Afdi avec Guy Cinquin, viticulteur à Mercurey (Saône-et-Loire), la possibilité d’un projet d’appui à ces producteurs est donc à l’étude.
Suite à la mission de suivi d’automne 2024 où des premiers échanges ont eu lieu entre Afdi et quelques producteurs, une mission de diagnostic a donc été proposée et réalisée du 17 janvier au 11 février 2025, avec pour objectif principal de faire le point sur la filière viticole locale, ses divers maillons et en particulier chez les producteurs de raisins membres de l’association FFMV. Elle visait également à étudier la faisabilité de la création d’une cave coopérative paysanne, capable de valoriser les vendanges dans de meilleures conditions, tant en termes de qualité que de rémunération.
Cette mission d’expertise a permis d’alterner visites de vignobles (Marodita, Andoharanomaintso, Iboaka…), rencontres avec des caves privées et religieuses (Lazan’i Betsileo, Mahitasoa, Maromby…), échanges avec la cellule Afdi Haute-Matsiatra, avec l’équipe et des repérsentants de VFTM ainsi que de FFMV, ainsi qu’un travail de terrain sur les bâtiments susceptibles d’accueillir une future cuverie. Des discussions ont également été menées avec l’université de Fianarantsoa, engagée dans une relance de sa formation à l’oenologie. Le tout a nourri une amorce de plan d’affaires rédigé par Haja, chargée de mission Afdi basée sur place, et apportés des éléments concrets aux réflexions en cours.
Témoignage
Cette mission m’a permis de mieux comprendre les réalités de la viticulture malgache dans la région Haute-Matsiatra. Ce qui m’a d’abord marqué, c’est la qualité intrinsèque du raisin dans plusieurs zones de production. Les cépages majoritairement utilisés, qui ne sont presque plus présents en France, s’adaptent bien aux conditions locales. J’ai observé un état sanitaire très satisfaisant des vignes, cette année souvent obtenus sans recours aux traitements phytosanitaires. En effet, en partie sous l’effet du changement climatique, la saison des pluies est arrivée tardivement dans les Hautes-Terres en 2024-25 et les vignes n’avaient pas encore pâtit de l’humidité pendant mon séjour. Effet pervers, les rendements moindres ont incité les caves à collecter le raisin trop en avance pour sécuriser leur approvisionnement d’où une vendange immature. Dans ces conditions climatiques, la production constitue un socle très prometteur, à condition que les étapes suivantes de la filière puissent en tirer parti.
Malheureusement, les pratiques de transport et de gestion post-récolte sont peu adaptées. Les délais entre la cueillette et l’encuvage sont trop longs et les raisins trop peu protégés contre les températures élevées et les risques de dégagement d’acidité volatile, ce qui altère la vendange et le potentiel de vinification. Ce point est crucial à régler si l’on souhaite valoriser la production locale de manière plus soignée et viser une montée en gamme. Les conséquences se retrouvent ensuite dans les vins dégustés avec une acidité marquée et des déséquilibres aromatiques. Les visites de caves ont montré une grande diversité de situations : certaines structures disposent de matériel en état de fonctionnement, d’autres souffrent d’un sous-investissement chronique ou de pratiques techniques peu adaptées. J’ai néanmoins perçu une forte motivation, tant chez les producteurs que chez certains responsables de caves, à progresser et à structurer la filière dans une logique collective.
Le projet de constitution d’une coopérative viticole en propre par FFMV a été débattu à plusieurs reprises. L’ objectif est de permettre aux producteurs de raisins de tirer un meilleur revenu de leur production. Une cave coopérative bien équipée et bien gérée permettrait de transformer localement les raisins en vins de qualité, au lieu de les céder à bas prix.
Une cave coopérative renforcerait l’autonomie des viticulteurs en les impliquant directement dans la transformation et la commercialisation de leur produit. Cela suppose un changement de posture : du statut de « vendeur de raisin » à celui d’acteur du processus de A à Z. Il faudra donc maîtriser les étapes sensibles de la vinification (transport, encuvage, hygiène, température), d’où l’importance de bien former les futurs responsables de chai et techniciens viticoles, et de construire un cahier des charges partagé autour d’un objectif de qualité.
Guy Cinquin