Depuis 1975, Afdi – Agriculteurs français et développement international – tisse des liens entre les agricultures du Nord et du Sud. Cinquante ans après sa création, l’association continue de valoriser les échanges de savoirs, la coopération entre pairs et la construction de filières durables.
Après avoir donné la parole, dans le précédent numéro, à deux agricultrices togolaises engagées pour l’avenir de leurs territoires, ce sixième numéro de Paroles Paysannes est consacré à Augustin David, agriculteur et vigneron dans la Nièvre, président d’Agropol et membre du Conseil d’Administration d’Afdi. A travers son regard, c’est une vision contemporaine de la coopération agricole qui se dessine.
Un engagement dans les territoires français et à l’international
Augustin David a grandi dans la ferme familiale, nourrissant très tôt sa passion pour l’agriculture. Après ses études à l’ESA* d’Angers, il a voyagé une année autour du bassin méditerranéen pour découvrir les activités agricoles de la région. Son mémoire de fin d’études à la FNSEA* marque une première rencontre avec Afdi, avant qu’il ne s’engage sur le terrain, au Maroc et en Tunisie, puis au Burkina Faso, pour le développement de la filière oléo-protéagineuse :
« Je contribuais à fédérer les agriculteurs, à rendre accessibles de bonnes semences et à créer un lien entre producteurs et collecteurs. »
Aujourd’hui, Augustin préside Agropol, association qui accompagne la structuration de filières oléo-protéagineuses à l’international. Ses missions l’amènent à collaborer régulièrement avec Afdi, et c’est ainsi, qu’il rejoint le Conseil d’Administration de l’association. Ce qui l’a conduit à Afdi, c’est avant tout la perspective d’un partage de réflexions, de questionnements et d’expériences.
« J’avais à cœur de tisser des liens entre différentes structures, pour réfléchir à l’évolution des modes d’action et d’organisation au Nord comme au Sud. »
Pour lui, Afdi est un espace où l’on peut prendre du recul et mieux comprendre les enjeux internationaux : démographie, urbanisation, désertification, et comment ils se connectent aux réalités locales en France.
L’agriculture familiale, un modèle de transmission locale
Pour Augustin, l’agriculture familiale est un modèle agricole, empreint d’une dimension patrimoniale : celle de transmettre et de faire vivre le patrimoine familial de génération en génération.
Ce modèle s’enracine dans le territoire et relie étroitement le travail de la ferme au bassin de vie local et à la communauté environnante. Il repose sur une structure à taille humaine où l’autonomie et la polyvalence sont essentielles et, au-delà de la production agricole, contribue à tisser du lien social et à renforcer l’ancrage local.
« Ce sont des fermes où l’on fait soi-même, où l’on garde une forme d’indépendance. »
Une vision commune des échanges paysans
L’engagement d’Augustin au sein d’Agropol le conduit à suivre des projets des filières oléo-protéagineuses dans plusieurs pays, notamment au Maroc et en Tunisie. Cet engagement se concrétise notamment à travers sa participation à l’organisation des “Rencontres Maghreb oléagineux”. La première édition, tenue en Tunisie, avait réuni des acteurs du Maroc, de la Tunisie, d’Algérie et de France, rassemblés pour partager leurs expériences et réfléchir au développement de la filière colza.
« Ces rencontres donnent une dimension régionale à nos sujets et permettent de poser un regard plus large, au-delà des projets opérationnels. »
Chez Agropol, cette vision s’accompagne d’une pratique de terrain : les administrateurs de la FOP* - un syndicat français de producteurs d’oléagineux - sont sollicités et sensibilisés afin qu’ils puissent rencontrer leurs homologues en Afrique. Une démarche qui rejoint la volonté portée par Afdi de créer du lien et de favoriser le dialogue entre acteurs agricoles. Pour Augustin, ces temps d’échanges sont autant d’occasions d’ouverture et de réflexions partagées :
« Ils permettent de confronter des expériences différentes, et, au-delà des distances, de nourrir une compréhension commune des défis agricoles. »
Quand la filière tisse des liens
Parmi ses expériences à l’étranger, Augustin en a retenu une particulière au Maroc. Il se souvient de réunions techniques où l’on parlait des enjeux des filières, sans véritable moment de partage. Alors, avec son équipe, il décide de faire autrement : organiser un moment festif pour susciter l’émulation et créer du lien autour de la filière.
Ils imaginent la “fête du tournesol”, un événement ouvert à tous, réunissant agriculteurs, élus, écoliers et villageois. Animations, jeux, démonstrations de matériel – pour célébrer la filière d’une façon vivante et collective.
« C’était émouvant de voir tous ces acteurs, qu’on croisait d’ordinaire séparément dans des réunions, rassemblés autour d’une fête rurale. »
Un souvenir marquant pour Augustin, qui illustre sa vision d’une agriculture qui relie les communautés autant qu’elle les nourrit.
Construire des filières durables
Pour Augustin, développer des filières résilientes passe par une attention particulière à la connexion au marché. Les efforts ne doivent pas se limiter à la production, bien que les besoins en mécanisation, en semences ou en financements sont évidents.
« Si ces éléments ne sont pas reliés à la réalité du marché, à ceux qui organisent l’aval, il devient difficile de créer des filières solides et durables. »
Au delà des aspects techniques, c’est la confiance entre les acteurs qui fait la différence, selon Augustin. Des relations marquées par la méfiance peuvent freiner le développement des projets et l’organisation des producteurs. Favoriser le dialogue et la mise en relation est donc un levier essentiel pour structurer des filières solides.
« Quand on parvient à introduire de la confiance, via la mise en relation, via la rencontre des acteurs, ça permet de construire des marchés. »
Cette confiance, une fois établie, offre de véritables perspectives aux producteurs comme aux acheteurs : des stocks mieux organisés, une régularité dans les approvisionnements et une projection sur le long terme, conditions essentielles pour que la filière se développe de manière harmonieuse.
Faire évoluer la coopération
Pour le président d’Agropol, le modèle d’aide au développement s’inscrit aujourd’hui dans une dynamique à la fois humaniste et économique, capable de s’adapter aux réalités contemporaines. Les évolutions rapides du contexte international confèrent à ces organisations un rôle à la fois concret et innovant.
« Afdi a cette nécessité de faire évoluer ses ressources internes tout en montrant que ses pratiques et ses enjeux sont pleinement contemporains. Il faut être capable de coopérer différemment. »
Selon Augustin, l’association doit conjuguer expérience et nouveauté, en impliquant à la fois ceux qui connaissent Afdi depuis longtemps et les jeunes générations, en leur partageant une approche d’engagement stratégique pour préparer les prochaines années d’action.
« C’est dans ce va-et-vient entre acquis et renouveau, entre savoir-faire et nouvelles idées, qu’Afdi pourra continuer à accompagner les agricultures du Nord et du Sud pour les décennies à venir. »
ESA : Ecole supérieure des agricultures
FNSEA : Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles
FOP : Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux



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